Une alternative est possible
dimanche 10 février 2019, par
PolitiqueFinanceConseil municipalBudgetFiscalitéPositionnement politique du groupe « IDÉES pour Beaumont » lors du Conseil municipal du 6 février 2019 suite à la présentation du Rapport d’Orientation Budgétaire 2019 de la ville de Beaumont.
Cette présentation du Rapport d’Orientation Budgétaire pour l’année 2019 présente, comme il en est d’usage, le contexte économique national et international.
Comme à l’accoutumée, de jolis graphiques de l’évolution du PIB dans la zone euro et plus spécifiquement dans l’hexagone viennent agrémenter une vision économique franchement orientée, orientée sous une perspective ultra libérale évidemment. Il n’est ainsi question tout au long de ce document que de consommation des ménages ou d’impact des grèves dans la consommation…Est évoqué également l’un des mantras des économistes en cours à la commission européenne, à savoir le maintien du déficit de la France sous les 3 % du PIB.
M. Le Maire : certes vous n’êtes pas responsable de l’orientation économique de l’Europe, mais vous auriez pu avoir un regard un brin critique sur les dégâts causés par cette politique. En ne l’ayant pas (ce regard critique), vous relayez à notre niveau ce discours idéologique, celui de l’ultra-libéralisme où les emplois publics sont perçus comme des coûts et les impôts vécus comme une « pression fiscale « (ce sont vos mots).
À nos yeux, il manque au moins deux tableaux à votre présentation :
- Le premier est celui de l’évasion fiscale. On entend beaucoup les gouvernements successifs vouloir je cite « faire la chasse aux fraudeurs des aides sociales ». Ceux-ci, s’ils existent et doivent faire l’objet de contrôles avec rigueur, représentent néanmoins une somme sans aucune mesure avec les chiffres de l’évasion fiscale.
Jugez plutôt, la fraude au RSA est évalué à 335 millions d’euros par an (rapport du député LR, M. Tian), chiffre à mettre en perspective avec les 60 milliards minimum d’évasion fiscale - et donc de manque à gagner dans le budget de notre pays. Les gouvernements passent, qu’ils soient socialistes, de droite ou en Marche, mais un triste constat s’impose : il est toujours plus facile de s’exonérer de l’impôt pour les plus riches. Pas étonnant que l’on parle de justice fiscale jusque sur les ronds-points… La fissure du pacte social français commence ici. - Le deuxième tableau, graphique ou camembert (je vous laisse le choix de la forme) qui fait défaut et qui pourtant serait bien éclairant concerne ce qui est à l’œuvre dans le monde depuis le début des années 90 et la fin du bloc soviétique : il s’agit de la captation toujours plus grande des richesses par une minorité d’individus. Ainsi, le rapport annuel 2018 de l’ONG OXFAM publié il y a quelques semaines nous informe que les 26 personnes les plus riches de la planète ont autant d’argent que la moitié de l’humanité !
C’est aussi ce type d’information qu’une municipalité, qu’elle soit de droite ou de gauche, mais qui croit au triptyque républicain devrait nous donner pour mieux lutter contre ces fléaux économiques qui participent à la désintégration sociales et à l’instabilité mondiale.
Pour ce qui est de la partie consacrée à Beaumont, vous vous enorgueillissez toutes les 10 lignes ou presque de l’absence d’augmentation des impôts. Doit-on vous rappeler qu’à Beaumont aussi la notion de redistribution et de partage entre ceux qui ont beaucoup et ceux qui ont trop peu devrait aussi être mise à l’œuvre avec plus de volontarisme.
Doit-on vous rappeler également qu’avec pour seule vision économique le « moins d’impôts », c’est les services publics dans le champ éducatif, social, médical, de la justice, de la police ou le domaine militaire qui sont touchés, car tous financés par cet impôt que vous décriez tant.
La ville de Beaumont devrait prendre juste sa part, mais toute sa part dans cette redistribution pour :
- Renforcer l’action en direction de la jeunesse
- Donner des moyens supplémentaires pour lutter contre la pauvreté présente dans notre commune comme ailleurs
- Réduire les emplois municipaux précaires notamment au CCAS comme nous avons pu vous le soumettre en Conseil d’administration de cette instance
Vous avez eu l’opportunité, notamment dû à la recette exceptionnelle de droits de mutation en 2015, mais vous avez fait d’autres choix que celui d’investir dans l’humain et l’intégration de salariés précaires pour leur permettre, à eux comme aux services concernés, d’envisager l’avenir avec stabilité.
Enfin, et cela fera le lien entre la partie consacrée dans le Rapport d’Orientation Budgétaire aux contextes international et national, et celle consacrée à Beaumont, il n’est pas une seule fois évoqué dans ce document la notion d’économie verte liée à une approche jumelée entre écologie et économie.
Nous voyons tous les jours l’impact de la pollution et de nos modes de vie sur notre environnement et la bio-diversité ; il y a désormais une majorité de citoyens – comme en témoigne les différentes marches pour le climat – qui s’accordent pour dire qu’il faut changer de paradigme et développer un nouveau modèle économique qui s’inscrivent dans une démarche de développement durable.
Que cette notion d’économie verte n’apparaisse nul part dans un document qui a vocation à présenter une perspective économique de la macro économie au budget local en dit long sur l’aveuglement de l’ensemble de la classe politique au regard de l’état de la planète.
Pourtant dès 1995 au Sommet de la terre à Johannesburg, le Président Chirac déclarait déjà « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». On se souvient tous du grand battage médiatique pour le Grenelle de l’environnement sous la Présidence de SARKOZY ou la COP 21 sous celle de Hollande, sans oublier la nomination de Nicolas Hulot comme ministre d’État de la transition écologique et solidaire…Et au final presque autant de rendez-vous manqués par une absence de courage face au poids considérable dans la vie publique des complexes pétrolier, nucléaires, de l’industrie-alimentaire ou de l’automobile.
Ce sont désormais ces cercles économiques auxquels on peut ajouter les GAFA (je veux parler des mastodontes de l’économie numérique) qui font la pluie et le beau temps dans l’économie mondiale avec une armée de lobbyistes dûment mandatés et ayant pignon sur rue à Washington, Bruxelles et ailleurs…
Si le politique veut regagner une crédibilité et une légitimé largement entamée depuis plus 30 ans, il devra à l’échelle nationale mais aussi locale, retrouver sa place d’impulsion et de régulateur du champ économique, ceci afin de garantir une finalité d’intérêt général, d’intérêt pour tous et non de seulement pour les plus puissants.