Toutes les conditions d’une grave crise financière des collectivités locales sont réunies

mercredi 14 juillet 2010, par Roger Bichon

PolitiqueFinanceDécentralisation

L’Observatoire des finances locales a remis son rapport 2009 au Comité des finances locales (CFL) lors de la séance du 6 juillet 2010.

Son président, A. Laignel a estimé que « toutes les conditions d’une grave crise financière des collectivités locales sont réunies ».

Effet domino

C’est un « effet domino » que l’Observatoire des finances locales décrit. Les départements sont gravement touchés, les régions n’ont plus de liberté fiscale, le bloc communal commence à accuser le coup. Le premier domino à tomber, en 2009, ce sont les subventions aux communes versées par les départements (-10%) et les régions (-3,4%).

Selon un article de Localtis, Philippe Laurent, président de la commission des finances de l’Association des maires de France, explique de son côté que si « la dégradation » des finances locales continue au rythme actuel, la « crise structurelle des budgets locaux sera atteinte dans 3 à 4 ans. » et qu’avec André Laignel, il assure que les élus locaux n’auront alors plus d’autre choix que de fermer certains services publics locaux.

Les conclusions du rapport

Les collectivités locales ont en charge une grande part des politiques publiques en matière sociale, d’éducation et de formation, d’équipement, d’environnement et de transport, et elles emploient prés de 2 millions d’agents. Elles ont un poids important dans l’économie, et assurent en 2009 près de 70% de l’investissement public, dont le rôle est particulièrement important en période de crise. En outre, la situation difficile sur le marché du travail a suscité une forte demande sociale, dont une part relève de la compétence des collectivités locales, en particulier des départements.

La crise économique, commencée à l’automne 2008, a produit tous ses effets sur l’année 2009. Les collectivités locales ont été directement concernées : difficultés d’accès au crédit, soutien de la demande intérieure via l’investissement public, forte demande sociale liée à l’augmentation de la précarité.

Dans ce contexte délicat, bien que l’épargne brute des collectivités locales ait continué à se réduire, la mise en place du versement anticipé du FCTVA a permis aux collectivités de maintenir leurs projets d’investissement sans recourir massivement à l’emprunt.

L’année 2009 se traduit par une amélioration du besoin de financement des collectivités locales. Celui-ci, au sens de la comptabilité nationale, diminue de 3,2 Md€, alors que l’investissement reste à un niveau élevé (44,5 Md€, en baisse de 1,2 Md€).

À la mi-2010, il est difficile d’anticiper les résultats en année pleine du secteur des collectivités locales, d’autant que le paysage fiscal, profondément modifié par la suppression de la taxe professionnelle, n’est pas encore stabilisé, et que les prévisions conjoncturelles ne laissent pas présager une réelle amélioration de la situation économique d’ici la fin de l’année.

Le scénario envisagé d’une reprise économique timide se répercutera plus ou moins significativement suivant les collectivités : demande sociale en hausse et évolution des recettes de fonctionnement liée à la conjoncture.

Le secteur communal, qui assure 69% des dépenses d’équipement des collectivités locales, devrait poursuivre la mutualisation engagée sur les charges de fonctionnement, et profiter de la prorogation du mécanisme du FCTVA pour poursuivre son effort d’équipement.

Dans les régions, les capacités d’autofinancement des dépenses d’équipement devraient continuer à se réduire et l’investissement direct est prévu en retrait par rapport à 2009.

L’amélioration du marché immobilier devrait permettre aux départements de profiter de ressources liées aux droits de mutation à titre onéreux plus importantes et faisant l’objet d’une péréquation, mesure adoptée en Loi de finances pour 2010. Cependant, leurs marges de manoeuvre déjà fortement réduites depuis 2008 devraient être très faibles : les départements risquent voir leur situation financière se détériorer, et, notamment parmi eux, ceux dont les déterminants socio-démographiques pèsent fortement sur les dépenses d’intervention.

Des procédures de suivi pourraient permettre de repérer les collectivités les plus vulnérables, face au poids croissant des charges sociales si la reprise économique se manifeste trop timidement en 2010. De plus, la réforme sur les politiques de solidarité face à la dépendance et leur financement est programmée pour la fin de l’année.

Globalement amorcé en 2007, confirmé en 2008 et 2009, le resserrement des marges de manoeuvre des collectivités locales s’amplifie en 2010 et devient préoccupant. Les départements sont les plus concernés, mais les régions, dont le pouvoir de taux sur leurs ressources fiscales est désormais résiduel, sont également impactées.

Quant au bloc communal, l’écart croissant et cumulé entre l’évolution structurelle des dépenses et celle des dotations aura des effets tant sur les capacités d’autofinancement que sur le niveau d’investissement.

A ce constat s’ajoutent les incertitudes sur les effets durables de la crise, sur les modifications des cofinancements pour certaines collectivités, l’impact réel de la réforme de la taxe professionnelle. Dans un contexte de gel des dotations, c’est donc à une mise sous tension accrue de leurs comptes que les administrations publiques locales pourraient se voir confrontées, si la conjoncture n’évoluait pas favorablement.