Légitimer la résistance

mardi 7 septembre 1999, par Le Bureau

SocialEnvironnementDémocratie

Parce qu’ils ont osé s’opposer par une action non violente à la déréglementation libérale du monde, version moderne de la loi du plus riche, 10 militants syndicaux et associatifs de l’Aveyron sont condamnés. En démontant symboliquement le matériel d’installation d’un restaurant Mac Donald, les militants de la Confédération Paysanne de Millau répondaient aux mesures de rétorsion américaines contre le roquefort. Ils sont condamnés à des peines qui vont jusqu’à trois mois de prison ferme pour José Bové.

Ce jugement inacceptable intervient après les condamnations de Michel Beurrier, de plusieurs membres d’association de chômeurs (Fumel ...), d’agriculteurs et d’écologistes (procès OGM de Foix, ...), de nombreux syndicalistes dans l’exercice de leurs fonctions et de militants impliqués dans la lutte de Sans Papiers ... La condamnation des militants de Millau renforce la logique qui criminalise ceux et celles qui luttent collectivement pour défendre des droits et s’inscrivents dans les luttes de solidarité avec les plus démunis.

Au-delà, cette condamnation confirme l’orientation de la justice face aux militants qui dénoncent collectivement un monde où ne tend àrégner que la loi du marché.

Nous savons que 80 % des subventions agricoles vont à 20 % des plus grosses exploitations. Celles-ci, sous la coupe des industries chimiques (engrais, pesticides, OGM) sont les principaux responsables de la pollution et de la disparition de l’agriculture paysanne. Ce productivisme aveugle génère les usines à poulets et à cochons, responsables de l’insécurité alimentaire (poulets à la dioxine, vache folle, ...)

Nous savons que la grande distribution détourne à son profit les bénéfices qui devraient légitimement revenir à ceux qui travaillent à la production.

Nous savons que la marchandisation croissante de tous les domaines de la vie, dans chaque recoin de la planète provoque des ravages et nous ne les acceptons pas.

Nous savons que la dictature des actionnaires sur une économie mondialisée généralise l’insécurité salariale, le développement des emplois précaires, le chômage et la casse des services publics.

Nous savons que l’intérêts des actionnaires est inversement proportionnel aux droits des travailleurs, en France comme partout ailleurs. Est-ce se mettre hors la loi que de déclarer publiquement et collectivement de telles vérités ?

La dénonciation collective, voire symbolique, d’un ordre du monde où ce qui ne se comple pas ne compte pas, où ce qui n’a pas de valeur marchande n’a pas de valeur du tout, va-t-elle devenir un délit ? C’est bien ce qui est en eju avec la condamnation des militants et responsables de la Confédération Paysanne.

Lors du sommet de Seattle, il y a un an, des milliers de militants ont répondu à l’injustice libérale par la solidarité internationale des citoyens. Cette date marque un tournant par la capacité nouvelle au niveau planétaire de s’opposer à un processus que beaucoup pensaient inéluctables. Le 30 juin et le 1er juillet à Millau, plus de 100 000 personnes ont apporté leur soutien aux syndicalistes de la Confédération Paysanne en mettant en accusation la “Malbouffe” et la dictature des marchés financiers. La “Malbouffe” : thème universel qui concerne l’agriculture paysanne partout dans le monde, qui concerne la sécurité alimentaire mise ne péril par le productivisme, concerne tout autant les peuples victimes de la famine.

Pour toutes celles et tous ceux qui ont participé à la manifestation de Millau, et pour les milliers d’autres qui n’ont pus être présents ce week-end là, la condamnation des syndicalistes de l’Aveyron résonne comme une injustice, comme la volonté d’entraver une construction démocratique et citoyenne du monde. Pour tous les syndicalistes, cette condamnation est une preuve supplémentaire de la volonté de mise au pas du monde du travail. Tout cela est inacceptable.