Europe Écologie à l’heure de l’autonomie

mercredi 31 mars 2010, par Hervé Mantelet

Politique

En moins d’un an, Europe Ecologie est devenue la troisième force politique française. Malgré un petit recul, le résultat des élections régionales confirme celui des élections européennes. L’écologie est désormais reconnue comme porteuse d’un projet de société crédible. Elle s’affirme comme une nouvelle offre politique, dépositaire d’une « autre voie ». Son rôle consiste désormais à mettre en oeuvre une mutation écologique, économique et sociale adaptée à la nouvelle donne planétaire.

Pour que ce projet se poursuive et s’enracine durablement, jusqu’à devenir le nouveau pivot de la vie politique, le rassemblement Europe Ecologie est confronté au défi de sa propre évolution. Celle-ci repose sur une double exigence : consolider la singularité politique de notre mouvement et penser sa métamorphose organisationnelle, dans le sens de l’autonomie.

Les signataires de ce texte proposent de mettre en débat les principes et les conséquences de cet objectif au sein d’Europe Ecologie afin de franchir ensemble une nouvelle étape.

Consolider une identité politique autonome

Europe Écologie a bâti son identité (et son succès) sur le caractère déterminant de la crise écologique globale et de ses conséquences sociales. Nous avons incarné cette orientation dans un programme de transformation écologique de l’économie et de la société qui installe le critère de la régulation écologique - l’éco-conditionnalité - au coeur des choix publics. Notre mouvement s’est ainsi affirmé en développant sa propre cohérence entre environnement, social, économie, éthique, solidarité et démocratie. C’est cette singularité qu’il nous appartient désormais de renforcer en tant qu’alternative aux crises qui minent les civilisations et dont les effets s’enracinent dans le système productiviste dominant.

L’affirmation de l’autonomie idéologique et programmatique de l’écologie politique constitue maintenant la poutre maîtresse de notre identité. L’écologie ne doit plus se sentir sommée de choisir son camp en vassale, pour s’aligner sur ce qui n’est pas elle. Mais notre revendication d’autonomie politique ne saurait nous conduire à camper dans un splendide isolement, en attendant une hypothétique majorité. Les ravages de la crise ne permettent aucun retard à la mise en oeuvre du changement. Si nous nous situons sans ambigüité dans l’opposition au gouvernement UMP et à l’omniprésidence Sarkozy, dont la politique conforte la machine à aliéner les humains et à épuiser la terre, nous sommes disposés, sans tabous, à toute alliance politique, ponctuelle ou durable, qui concourrait à un desserrement de l’étau de la crise. Nous sommes favorables à la constitution de majorités, ponctuelles ou durables, autour des solutions écologiques, sociales et démocratiques.

Construire l’autonomie organisationnelle

Privée d’outil, la politique est impuissante. Il s’agit donc de trouver les formes opérationnelles qui donnent corps à nos idées pour qu’elles s’incarnent dans le tissu social et qu’elles deviennent vraiment réalité.

Europe Écologie a su établir un compromis dynamique entre une force structurée - les Verts - et un mouvement convergent de sensibilités diverses. Les différenciations ont laissé la place à l’élan commun. Elles l’ont même nourri.

Ce pacte de vie commune fut notre coup de génie collectif. Loyalement respecté par tous, il a permis d’installer notre crédibilité.

Il est aujourd’hui caduc dans la mesure où il est manifestement inadapté à la nouvelle donne politique. Au niveau où elle est maintenant installée, au regard des enjeux et de ses responsabilités nouvelles, l’écologie politique ne peut plus se satisfaire d’une forme organisationnelle hybride, pragmatique et fragile. L’attelage Verts-Europe Ecologie a atteint ses limites. Prolonger la cohabitation entre un parti et un réseau reviendrait à se condamner au surplace, voire à la désagrégation. Il n’est plus possible de soumettre les décisions à plusieurs structures de validation dont les procédures ne sont pas collectivement partagées.

Il nous faut passer maintenant du compromis au cadre neuf d’un mouvement ouvert à de nouvelles énergies, structuré pour durer, fort d’une identité partagée et d’une expression politique commune, organisé de manière identique pour tous, avec des militants à égalité de droits et de devoirs, en débat permanent avec les acteurs de la société et les citoyens.
L’heure est à l’unité. Après un débat aussi large et régionalisé que possible, des Assises fondatrices (ou Etats généraux constitutifs) lanceront un nouveau mouvement de l’écologie politique qui formalisera la métamorphose d’Europe Ecologie et des Verts pour porter le projet écologiste aux élections de 2012.

L’heure est à l’égalité. Le futur mouvement de l’écologie politique sera un rassemblement de personnes et d’élus adhérant individuellement à cette nouvelle formation par l’acte symbolique et matériel de la cotisation.

L’heure est à la clarification. Après un temps d’adaptation respectant les transitions nécessaires à l’intégration de chaque sensibilité et de chaque groupe au nouveau mouvement, dans un délai qui reste à définir, les membres du futur mouvement de l’écologie politique devront renoncer à leur appartenance à une autre organisation politique.

L’heure est à la transparence démocratique. Les décisions structurantes devront faire l’objet de votes référendaires impliquant directement l’ensemble des membres.

L’heure est à l’ouverture, en organisant des agoras régionales et nationales régulières au sein desquelles s’impliqueront les forces vives de la société. La structure organisationnelle de l’écologique politique doit être en permanence ouverte sur la société, au contact des acteurs sociaux, associatifs, économiques et des citoyens.

L’objectif de transformation écologique de la société, l’espoir social dont nous sommes porteurs, les responsabilités présentes et à venir dans l’exercice du pouvoir, nous conduisent à pousser plus avant notre logique fondatrice. Nous devons franchir une étape supplémentaire et faire le choix d’une affirmation commune dans une nouvelle formation politique aux contours inédits. Nous appelons donc à la métamorphose d’Europe Ecologie et des Verts en un mouvement politique unifié et pérenne qui acte les convergences qui nous ont rassemblés et qui porte le projet de transformation écologique et social.

Un débat et un calendrier

Nous sommes conscients de la difficulté à mettre en œuvre une telle métamorphose qui devra aussi ménager les rythmes nécessaires à l’adaptation de chaque composante constitutive de notre rassemblement ou désireuse de le rejoindre.

C’est l’objet du débat qui est devant nous, lequel devra cheminer entre deux écueils :

  • Reproduire stricto sensu la « forme parti » traditionnelle, qui reviendrait à consentir à nouveau à la dictature de l’interne et à ses pesanteurs. De même, une fédération de partis et courants, fondée sur l’origine politique des membres, reproduirait le schéma partidaire en le cristallisant sur le passé.
  • Se satisfaire d’une « forme réseau », qui serait se condamner à l’impuissance. Un réseau n’intervient pas de manière durable, permanente, il agit ponctuellement, sans réel impact sur la société globale, et il peut s’avérer de surcroît propice à toutes les manipulations.

Entre ces deux extrêmes, d’autres formes d’organisation collective peuvent être imaginées et bâties intelligemment. Des pistes existent qu’il s’agit de rendre opérationnelles, du coté de pratiques référendaires pour la désignation des candidats aux élections, de votations sur les orientations stratégiques ou du consensus comme méthode de gouvernement.

De même, le socle organisationnel commun n’interdit pas de mettre en place d’autres formes participatives au projet écologiste, sous forme de réseaux. L’ancrage de l’écologie politique relève davantage de pratiques dynamiques avec les acteurs de la société civile que des impératifs d’un parti.
A tous nos comités, à tous nos réseaux, aux partis intégrés à Europe Ecologie de se saisir de ce débat sur le devenir de notre maison commune. C’est notre feuille de route maintenant et nous appuyons l’appel du 22 mars que Daniel Cohn-Bendit a lancé dans ce sens.

Sans préjuger de l’émergence d’autres questions politiques comme celle de notre attitude lors des futures échéances présidentielle et législatives, nous proposons que ce débat acte en priorité les deux points cardinaux que nous développons dans ce texte : autonomie politique et autonomie organisationnelle.

Reste à adopter consensuellement le calendrier de ce débat. De notre point de vue, sa conclusion doit intervenir suffisamment en amont des futures échéances électorales, c’est-à-dire fin 2010 ou début 2011, avec une étape intermédiaire de restitution des débats régionaux à l’été 2010.

Ainsi nous continuerons ensemble le chemin.