Cancún, un accord qui entérine Copenhague

samedi 18 décembre 2010, par Hervé Mantelet

PolitiqueEnvironnement

L’accord de Cancún entérine l’ « accord » de Copenhague, qui n’était légalement qu’un texte parmi d’autres même s’il avait été proposé par les États-Unis et la Chine et soutenu par les grands pays. Il est désormais un texte des Nations-Unies et un pas de plus vers la fin du protocole de Kyoto. Si, comme le prévoit le protocole, une seconde période d’engagements contraignants pour des réductions d’émissions de gaz à effet de serre est notée, aucune date n’est retenue. Les pays seraient libres de choisir l’année de référence pour les calculs de leurs engagements et, pour tous ceux qui ne choisiraient pas l’année 1990 fixée à Kyoto, ils ne seraient pas soumis au cadre contraignant du protocole. En ce sens, l’accord de Cancún est le prolongement juridique du texte de Copenhague qui avait déjà ouvert cette possibilité.

Le texte adopté est même en deçà : même si les travaux du GIEC sont évoqués, aucun objectif chiffré en matière de réduction des émissions n’y figure. La demande de nombre de pays africains, des états des petites îles, de nombreux pays du Sud, en accord avec les travaux scientifiques récents, de fixer l’objectif à 1,5°C n’a pas été retenue. Le fonds vert est certes créé, mais sans aucune garantie que les financements soient apportés et avec la Banque mondiale comme acteur essentiel. Quels financements pour l’adaptation, mise en avant par les pays les plus pauvres, alors que les capitaux s’orientent prioritairement vers les activités lucratives de l’économie verte ? Aucun financement public nouveau n’étant retenu, ni par le biais de la taxation du transport maritime, ni par le biais du transport aérien, ni bien sûr par le biais de taxes globales. Seuls 15% des financements seraient publics, le reste étant fourni par les marchés du carbone et la contribution propre des pays du Sud. En revanche, le texte ouvre la porte à l’extension des marchés du carbone : c’est la carbonisation de la terre, des forêts, un « CO2lonialisme », selon l’expression des mouvements sociaux, le carbone devenant une sorte de monnaie d’échange universelle, gérée par la banque mondiale. Tout y est !

Autant dire que cette « victoire » est un recul par rapport à la conférence de Bali, qui, en 2007, avait fixé une feuille de route devant conduire à une nouvelle phase d’engagements contraignants ! Et on ne pourra pas ici invoquer l’attitude de la Chine, qui a clairement annoncé qu’elle était prête, comme pays émergent, à accepter des engagements contraignants.

Nous apportons notre soutien à la position exprimée par la délégation bolivienne, qui s’est battue jusqu’au bout pour faire valoir les droits des humains et des peuples et les propositions des mouvements sociaux ; elle a donné à cette conférence une tenue politique contre l’affairement des lobbies et la démission des États. La Bolivie a rappelé son refus sans appel du contenu de l’accord, qu’elle a souhaité voir notifier. Elle a montré son attachement au processus onusien et affirmé que le multilatéralisme, tant vanté par les puissants, ne saurait signifier alignement, chantage et soumission.

D’ici la prochaine étape à Durban, en Afrique du Sud, nous avons à construire, avec des coalitions comme CJN ! (Climate Justice Now !) à laquelle appartient ATTAC avec le fédération internationale des Amis de la Terre et l’internationale paysanne Via Campesina, les mobilisations et le rapport de force nécessaires pour sortir de l’impasse un processus qui, en l’état, ne répond pas aux défis de la crise climatique et de ses conséquences, sociales, écologiques, politiques.