Fin de la gratuité du périscolaire : l’intervention détaillée de Gaël Drillon lors du conseil municipal

jeudi 9 juillet 2015, par Gaël Drillon

ÉcoleConseil municipal

Monsieur le Maire.

Vous nous présentez ici un dispositif que je qualifierais d’historique : un forfait payant pour les temps périscolaires. Historique parce que malgré un conformisme décevant partout autour de notre ville, pour faire payer les parents, Beaumont avait su préserver pendant plus de 35 ans les temps périscolaires gratuits ! Vous décidez de casser cette originalité pourtant souhaitable au regard de son utilité sociale. Permettez-moi même de considérer ce projet comme une taxe à l’école publique, car les parents qui travaillent sont obligés d’utiliser les temps périscolaires du fait des horaires de travail très éloignés des heures d’apprentissage en classe de l’Éducation Nationale.

Ce dispositif payant est pour notre groupe, mais aussi pour d’autres élus et surtout pour beaucoup de Beaumontoises et de Beaumontois, inadmissible et inacceptable. Les parents d’élèves ont réagit très vite à l’annonce de ce dispositif, lors de la réunion du 10 juin sur le suivi des TAP [1]. Ils ont organisé une pétition contre votre projet : vous avez pu voir l’ampleur de cette mobilisation à travers le nombre de signataires et les manifestants ce soir. Plus de 800 personnes en appellent à l’abandon de ce projet.

Aussi, notre revendication est claire : nous vous demandons d’abandonner immédiatement et définitivement ce projet de forfait payant, de garantir de manière pérenne la gratuité des temps périscolaires, et donc de ne pas proposer au vote cette délibération. Surtout que vous avez lancé le processus d’inscriptions aux services périscolaires sans dire qu’ils seraient payants. C’est une pratique trompeuse vis-à-vis de vos citoyens.

L’argument que vous développez pour justifier cette décision historique à Beaumont, est la baisse des dotations de l’État aux collectivités (200.000 euros pour notre ville) et la mise en place de nouvelles études surveillées compte tenu du besoin. Soit dit en passant, le besoin risque vite de fondre comme neige au soleil si le principe payant est voté ce soir. Cet argument n’est donc pas entendable, et encore moins compréhensible !

En effet, il me paraît un peu prématuré de décider un forfait payant alors qu’aucun bilan précis et fiable n’a encore été fait sur la réforme des rythmes scolaires. Nous avons pu mesurer, lors de cette même réunion du 10 juin sur les TAP, avec les parents d’élèves présents ce jour là, votre degré d’approximation pour conduire cette évaluation : les chiffres n’étaient pas toujours précis, parfois même faisant débat sur leur interprétation… et franchement très insuffisants pour juger de la mise en œuvre et de l’utilité sociale. J’en profite donc pour demander une étude globale sur le sujet, permettant de faire le point sur la fréquentation, la satisfaction, et le coût réel de la réforme et de rendre compte aux Beaumontois.

C’est un pré-requis évident avant de faire payer les parents d’élèves.

D’autre part, de rapides calculs laissent penser que ce forfait payant pourrait rapporter au mieux 25.000 euros par an. Cette mesure est totalement incompréhensible alors que vous avez choisi délibérément de dépenser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour des projets très coûteux pour les contribuables : la lumière allumée la nuit, des caméras de surveillance autour de l’hôtel de ville, le gazon et son arrosage automatique devant l’hôtel de ville, et le mobilier de la salle du conseil municipal, qui était tout neuf, pour ne citer que ça. Nous pensons que l’argent public peut-être mieux utilisé.

Une alternative aurait été de travailler sur le PEDT [2] qui permettrait de bénéficier de subventions et de partenariats facilitant la gratuité des temps périscolaires. Rappelons que l’article 96 de la loi de finance 2015 transforme le fond d’amorçage en fond de soutien pérenne à hauteur de 0,52 euros / heure réalisée / enfant, soit près de 10.000 euros selon nos projections pour l’année. Et la CAF [3] peut intervenir en complément à hauteur de 52 euros / enfant / an, sous réserve de certains critères… c’est une enveloppe de près de 25.000 euros qui pourrait ainsi être obtenue.

Je souhaite d’ailleurs que vous nous éclairiez sur l’état d’avancement du PEDT, sur les travaux du comité de pilotage obligatoire selon les termes des textes à ce sujet, et les axes éducatifs que vous envisagez de retenir, ainsi que le calendrier de ce projet ?

Enfin, vous vous êtes engagé à ne pas augmenter les impôts lors de votre campagne électorale. Que dire de cette taxe au prolongement de l’école publique que vous projetez de faire voter ce soir, et qui touche seulement les familles ! Alors que d’autres sur notre territoire ne contribuerons pas à l’effort collectif. Cette décision est une trahison masquée et une source de discrimination importante vis-à-vis de ceux qui ont des enfants et qui font le choix de les maintenir dans les écoles publiques de Beaumont.

Seriez-vous prêt à assumer l’adoption d’un dispositif nuisible à l’attractivité de notre ville, alors que nous avons tout intérêt, pour son développement, à mettre en œuvre une politique ambitieuse, globale, pour faire de Beaumont un territoire qui attire pour son bien vivre ensemble ?

Il faut rappeler que, dans une période marquée par des difficultés économiques et sociales grandissantes, la gratuité est plus que jamais l’une des conditions de l’égalité des chances. Un tel recul de la gratuité du périscolaire ne peut être que dangereux pour notre démocratie. Car les temps périscolaires, par la qualité de leur encadrement, qui transmettent des valeurs communes à l’école publique, au premier rang desquelles la liberté, l’égalité, la fraternité, développent l’esprit critique et la curiosité pour former des citoyens qui contribuent à la construction d’une société solidaire, démocratique et respectueuse de l’environnement.

Et soulignons que ce forfait payant n’est pas la seule augmentation que vont subir les parents d’enfants scolarisés à Beaumont, puisque dans le même temps le coût de la restauration au collège progresse de + 25 % à + 133 %, le transport scolaire progresse lui de + 125 %.

L’éducation est un bien commun, garante de l’avenir de notre société, que nous avons le devoir de soutenir ! Affirmer la gratuité, c’est lutter contre les discriminations et c’est agir pour la protection de ce bien commun à tous, c’est investir dans la démocratie de demain.

Ainsi, Monsieur le Maire, vous l’aurez bien compris, notre groupe votera contre cette délibération si vous vous obstinez à la proposer au vote malgré la mobilisation importante que vous ne pouvez pas encore une fois qualifier de gesticulation ! Je serais curieux, aussi, de connaître l’avis de chaque élu, notamment les élus parents d’élèves ? Je ne doute pas, si ce vote historique doit avoir lieu, que chacun de nous votera en conscience et en responsabilités, librement, publiquement devant nos concitoyens présents !

[1TAP : Temps d’Activités Périscolaires

[2PEDT : projet éducatif de territoire

[3CAF : Caisse d’Allocations Familiales