Interrogations, incohérences, nuisances et contradictions

vendredi 3 avril 1998, par Le Bureau

UrbanismeEnvironnementDéplacement et mobilitéCirculation

Des interrogations d’ordre financier

Lors de sa présentation en janvier 1997, le projet est d’un coût estimé à 200 Millions de francs, soit près de 200 000 F le mètre ... ce qui n’est pas rien. Dans sa synthèse de la concertation publique, le Préfet rejette une solution enterrée car l’investissement induit impliquerait un surcoût de 12,5 millions (6,25 % de hausse). Simultanément, il préconise des études complémentaires d’ordre technique sur le projet présenté (sur la qualité de l’air, sur les niveaux sonores ...), mais il n’en évalue pas le coût. Cette inégalité de traitement traduit la non-prise en considération des différentes options envisageables.

Du même coup, l’argument financier paraît très limité dès à présent, certainement sans fondement véritable quand on sait les habituelles dérives financières de tels projets. De plus, seuls les surcoûts sont cités alors qu’un nouveau projet favoriserait des économies immédiates dont le chiffrage est inconnu.

Des faiblesses techniques

Ces limites sont multiples dès que l’on se penche sérieusement sur le projet proposé. Il est possible d’en citer quelques unes

Une avalanche de ronds-points

L’aménagement de la Sortie sud et de la rocade sud-ouest implique la succession de plusieurs ronds-points situés au cœur de zones très urbanisées. Desservant la rocade ouest, un rond-point au niveau Avenue de la Libération/Avenue du Maréchal Leclerc précèderait de peu l’énorme rond-point avec échangeur des Liondards, juste avant celui de la place Henri Dunan. Cette accumulation sur les voies de surface, source de dangers et d’embouteillages, résulte du surdimensionnement d’infrastructures avec des emprises démesurées en pleine ville, infrastructures dans certains cas inutiles comme le rond-point de l’Avenue de l’Europe.

La sécurité menacée

La Sortie sud sur laquelle la circulation sera abondante et rapide est prévue avec une semi-couverture et des passages aériens L’expérience atteste que les risques sont nombreux dans une telle configuration. Sans envisager la malveillance (hélas non négligeable), il est évident que cette ouverture sur l’extérieur est génératrice de graves dangers.

Des enrobés drainants contestés

Le revêtement envisagé est du type « enrobés drainants ». En apparence, ces enrobés présentent des avantages : moins de projections d’eau, moins de bruit. En réalité, un débat fait actuellement état de tous les dangers de ces revêtements. En éliminant les projections d’eau, ils créent un sentiment de fausse sécurité. En période de gel, ils se révèlent dangereux. À ce jour, les techniciens recherchent (en France et à l’étranger) d’autres solutions assurant une meilleure sécurité ... mais plus bruyantes [1].

La présence des poids lourds

Le projet n’envisage pas l’interdiction du trafic des poids lourds. Or, il est probable que les camions venant de la RN 89 (et ils seront nombreux vu le tracé retenu pour l’autoroute A 89), se rendant dans les zones industrielles de la Pardieu ou du Brézet seront attirés sur cet axe. On se retrouverait donc, en plein centre urbain, avec une circulation intense et dangereuse, sauf à interdire cet accès aux poids lourds.

D’importantes nuisance

Elles concernent prioritairement la commune de Beaumont qui devrait supporter l’essentiel de l’infrastructure.

De nombreuses expropriations

La taille du projet induit la démolition de plusieurs dizaines de maisons. Les quartiers concernés abritent nombre de personnes âgées pour lesquelles l’abandon de leur maison est un déchirement. La simple prise en compte de ces détresses aurait dû être mise au rang des préoccupations premières.

De nouvelles sources de pollution

Le trafic prévu est de 40 000 véhicules/jour. Avec des flux réguliers, cela équivaut à 1 véhicule toutes les 2 secondes ... Qu’en sera-t-il aux heures de pointe ? La pollution atmosphérique connaîtra des pics nuisibles pour la santé. Il en va de même des pollutions phoniques qui atteindront un niveau difficilement supportable. Ne parlons pas des incidences esthétiques. Malgré une présentation qui se veut plaisante, il est inutile de dissimuler la vérité : c’est un ruban de goudron et de béton qui va « balafrer » la commune de Beaumont, en plein cœur de zones habitées. Or le cadre de vie devrait être une source de plaisirs et non de difficultés.

De mauvais choix

Une infrastructure qui combine autant de faiblesses, de risques est déjà très contestable. Mais, il y a plus : ce projet résulte de mauvais choix, contradictoires avec les besoins locaux et opposés aux orientations affirmées par ailleurs.

Ces mauvais choix concernent la commune de Beaumont et l’agglomération clermontoise.

Pour Beaumont

Les Beaumontois ont besoin de solutions à des problèmes concrets et connus que la DDE a d’ailleurs recensés pour la plupart. La Sortie sud ne répond pas à ces problèmes. En voici la preuve :

  • Canaliser le trafic sur un seul itinéraire : Attention ! Les chiffres de la DDE parlent d’eux-mêmes. Le trafic de surface restera énorme (10 000 véhicules/jour), la rue de la Mairie sera encore plus empruntée qu’aujourd’hui.
  • Ameliorer les conditions de sécurité pour usagers et riverains : Raté ! On a vu que la non couverture est source de menaces et que piétons et cyclistes seront les grands perdants de cet équipement.
  • Séparer le trafic intercommunal du trafic local : Non ! car cette séparation est sans intérêt puisque le trafic sera globalement très supérieur à celui existant.
  • Réduire les nuisances le long des voies existantes : Faux ! c’est l’inverse qui se produira.
  • Faciliter la protection contre le bruit : Impossible ! avec le trafic prévu. D’ailleurs la DDE préconise des mesures individuelles d’isolation phonique.
  • Favoriser les liaisons inter-quartiers : Aberrant ! Une tranchée avec quelques points de passage conduira au résultat opposé. Les déplacements piétons et cyclistes seront sacrifiés, I’accès aux commerces difficile et pénible.

Par ailleurs, la DDE et la Maire de Beaumont refusent d’envisager un vrai plan de circulation pour Beaumont, rendu indispensable pour concilier impératifs économiques et sécurité de tous.

De même, pas un mot sur les difficultés d’accès au collège, problème qui concerne tous les matins plusieurs centaines de jeunes

C’est clair. Le projet présenté ne tient pas compte des vrais problèmes actuels. Dans le meilleur des cas, il les I’ignore. Mais le plus souvent, il aggrave les difficultés exisant à Beaumont.

Pour l’agglomération

Dans ce cadre, il est nécessaire d’envisager le comportement récl d’un automobiliste dont le souci prioritaire est d’aller au plus vite d’un point à un autre en conservant la disponibilité maximale de son véhicule. L’expérience prouve que les comportements au volant obéissent plus à des sentiments subjectifs qu’à la soumission à des schémas préétablis. Il est également indispensable de réfléchir aux incidences sur les autres moyens de déplacement.

  • lmpact sur les déplacements piétons et cyclistes. Il est évident que les ronds-points constituent des obstacles quasi-infranchissables pour les uns comme les autres. Emprunter à vélo un rond-point relève de la virtuosité. À pied, cela devient « mission impossible ».
  • Impact sur la circulation automobile
    • Au niveau global. La rapidité de circulation sur la rocade est sensée alléger le trafic au coeur de la ville. Cette vision est toute théorique. Dans la pratique, les gains de temps accroissent l’incitation à recourir à la voiture. Du coup, les automobilistes multiplient leurs trajets et la circulation urbaine croît en tous lieux.
    • Au niveau local. Peut-on espérer comme cela est avancé dans le dossier présenté, que localement la Sortie sud va capter tout le trafic et supprimer le transit de surface ? Hélas, il est envisagé sur la voie de surface traversant Beaumont un trafic de 10 000 véhicules/jour (1 véhicule toutes les 8 secondes en flux régulier !). De même, le nombre de véhicules prévu devant la Mairie de Beaumont est en augmentation. En effet, I’expérience prouve que les automobilistes, attirés dans une zone par un accès rapide, développent des « stratégies » qui engorgent toutes les voies avoisinantes.
  • lmpact sur le tramway. Voilà un des enjeux affichés avec vigueur, malgré la modestie des projets actuels. A priori, il paraît séduisant d’envoyer un maximum de voitures vers le CHU en pariant sur le recours des automobilistes à ce mode de TCSP (Transport en Commun en Site Propre) à partir de la Place Henri Dunant. Mais qu’en sera-t-il réellement ?

L’infrastructure envisagée fera gagner du temps pour accéder au CHU. De là, les automobilistes pourront opter pour un accès direct sur Clermont-Ferrand par le viaduc Saint-Jacques ou la rue E. Dolet, ou bien sur Chamalières et les quartiers ouest en utilisant la rocade sud-ouest. Ainsi que cela s’observe déjà, l’Avenue de la Libération sera très recherchée et accessible. Dans ce contexte, il faut être naif pour espérer que les automobilistes abandonneront leur véhicule pour emprunter le tramway. Au contraire, ayant gagné du temps, les automobilistes, si près de l’hyper-centre voudront « profiter » de ce gain pour aller toujours plus près de leur destination finale.

Donc, la vitesse génèrera un accroissement du trafic et sera opposée au développement du tramway. Il est inutile d’accentuer le phénomène d’aspiration des véhicules vers la place H. Dunant.

Il faut résoudre les nuisances existant sur Beaumont et couvrir toute la voie. n ne faut pas susciter le trafic de surface. Il faut donc supprimer l’axe de surface Pourliat-Clermont et recréer des liaisons inter-quartiers sur Beaumont.

[1Cf les nombreux débats de techniciens dont « le Moniteur du bâtiment et des travaux publics » se fait régulièrement l’écho (ex : numéros 4886, 4902)